
Depuis » Boire « , il y a vingt ans déjà, les mots – subtiles écorchures – n’ont cessé de saigner sous la plume aiguisée de Christophe Miossec. Toutes les turpitudes humaines seront passées sous ses fourches caudines, remplissant ses vers et nous abreuvant de sa poésie scandée.
Au Moloco, entouré de cinq musiciens hors pair, c’est avec beaucoup d’élégance qu’une fois encore, il nous aura emporté avec lui.
Chapeau vissé sur la tête, les yeux souvent mi-clos, on pourrait aujourd’hui lui prêter sans doute l’envie de se protéger un peu plus qu’autrefois. Ce serait sans compter sur sa générosité qui le ramène irrémédiablement à nous. Lorsque le regard de Miossec prend la lumière, c’est la salle entière qui chavire avec lui. Le public ne s’y trompe pas, convaincu de la qualité de l’instant et du plaisir ultime de voir sur scène un artiste d’une intensité rare.
Car Miossec est unique. Personne, aujourd’hui, ne peut venir chercher le Brestois sur les terres d’un quotidien qu’il dépeint avec tant de justesse; ce qu’il a fait ce précieux soir de mars, au détour de plus d’une vingtaine de titres, mêlant subtilement son nouvel album » Ici-bas, Ici même » aux anciennes compositions comme La Fidélité, Regarde un peu la France, Que devient ton poing quand tu tends les doigts, ou encore, Seul ce que j’ai perdu.
Miossec s’amuse de son répertoire et lance » aller encore une chanson joyeuse « . Un téméraire, dans le public, finit par clamer tout haut ce que chacun espère tout bas… La Mélancolie [Qui vous demande qui vous explique Qu’on n’est plus des enfants]. Le verbe de Miossec transporte d’émotion et pourtant on le sent fort, la voix claire, ancrée dans la réalité, les maux enfin asservis par le talent.
Même si, tout proche, gronde encore et pour longtemps le tonnerre de Brest.
Sandrine FALLACARA