
– Grand Blanc aux Eurockéennes. Pour vous, il s’agit déjà d’ un retour à Belfort puisque que vous vous étiez produits en février lors du Festival GéNériQ. Les Eurocks c’est une étape supplémentaire, importante, j’imagine?
-Nous avons fait quelques scènes en extérieur et c’est vrai que c’est une expérience complètement différente. Le public y est parfois très motivé, parfois très fuyant… ce rapport au live est particulier.
– Votre venue aux Eurocks, c’est en quelque sorte les retombées de votre succès à GéNéRiQ?
– C’est possible, oui. Kem (ndlr: Kem Lalot, programmateur des Eurockéennes) était présent lors de notre concert à la Poudrière de Belfort. Nous l’avons rencontré à cette occasion. Scéniquement et humainement, tout s’est bien passé.
– De Grand Blanc , on retient souvent une caractéristique: l’écriture en français. C’est quelque chose qui s’est imposé?
– C’est surtout – très logiquement – la langue et la culture que nous maitrisons le mieux, avec tout le référentiel inhérent. Nous n’avons pas le vocabulaire et la culture qui nous permettraient d’écrire en anglais. Les mots ce ne sont pas juste des mots, il faut en maitriser le sens et toutes les nuances.
– En matière d’écriture, je crois savoir qu’il y a un vrai lettreux parmi vous. Ben?
– [Ben] Il faut surtout insister sur le fait qu’il y a des gens qui écrivent très bien sans avoir étudié la littérature. A ce sujet, je suis très content d’être de ce groupe parce qu’il m’a permis de faire évoluer mon écriture, de la sortir des carcans. Le très lettreux, tu vois, c’est irrespirable et ça fait peu de place à la vie réelle. Mon style d’écriture a suivi notre style de musique. Grand Blanc, c’est un projet commun et global.
– Concernant vos références qu’elles soient populaires, artistiques ou savantes… lesquelles pourriez-vous revendiquer?
– [Ben]Grand Blanc, c’est d’abord des références musicales et littéraires aussi. Ce serait difficile de synthétiser. Je citerai peut-être un auteur que je ne nomme pas souvent… ce serait l’ami Julien Gracq. Je retiens celui-ci parce que c’est quelqu’un qui a eu le souci de faire parler les univers et les lieux. Il y a chez cet auteur quelque chose qui permet à la langue de devenir le lieu du roman.
– Pour Grand-Blanc, le lieu devient personnage. Lorsque l’on se renseigne un peu sur votre univers, on voit un acteur important… le bassin lorrain, c’est votre décor?
– C’est l’univers qu’on utilise pour faire vivre les chansons de l’EP. On a pris les matériaux qui étaient à notre disposition pour essayer d’en faire quelque chose. Faire de l’art c’est ça, prendre ce qui t’entoure, le transposer et créer du singulier.
– D’un décor très identifié vous réussissez pourtant à le rendre universel…
– Les premières dates que l’on a fait dans le sud, à Arles par exemple et sans tomber dans le cliché soleil-pétanque, c’est vrai qu’on a eu un doute sur la manière dont ce public pourrait s’approprier notre décor. Au final, c’était un concert parfait avec un public nombreux et qui connaissait nos titres. Il faut dire que notre EP est particulier, il est né au sortir de l’adolescence. Il a pris une tournure d’outil initiatique teinté de sentiments d’ennui, de frustration, de hargne… des choses dont on ne savait pas vraiment quoi faire. Il fallait pourtant que cette hargne prenne corps alors cela a existé avec de la brique, de la pluie et des friches. Mais on pourrait tout à fait faire autre chose, l’unique impératif est de rester sincères.
– Pour revenir concrètement à la musique, est-ce que Grand Blanc a un instrument fétiche?
– [Camille] On aurait presque une mascotte… un synthé Roland SH201. Tout le monde connait le SH101 parce qu’il s’apparente un peu à un monument, mais je lui ai préféré un truc des années 2000, le SH201. Au début , je ne l’aimais pas tant que ça… mais à l’usage, il est hyper léger, pas du tout analogique et avec des sons un peu trans, hyper cartons. Mais, surtout, il a un pitch qui réagit au mouvement de ma main. Ca me permet de faire des solos assez cool. Et puis, il regorge d’arpegio super cheap!
– Enfin, pour partir gentiment fâchés, si je vous dis que certains tiennent absolument à vous inscrire dans le » renouveau de la cold-wave » ?
-[Rire collectif] Ah, non, pas du tout! On a trop de second degré pour faire de la cold-wave. C’est sérieux la cold-wave, il ne faut pas faire les imbéciles avec! C’est important de dire que nous aimons cette musique, que nous lui avons emprunté, mais que nous n’en faisons pas. Cette scène là existe, c’est une vraie entité musicale et il ne faut pas la détourner. C’est une question de légitimité. Sur ce sujet, on reste assez vigilant: l’influence, l’emprunt, ne doit pas devenir la définition.
Propos recueillis par: Sandrine FALLACARA aux Eurockéennes de Belfort/juillet 2015
Crédit photo: Sandrine FALLACARA